mardi 6 août 2013

"Madame Bovary" - Gustave Flaubert. Tentative d'analyse.

 

Madame Bovary : une idéalisation de la passion amoureuse à son paroxysme, conduisant indubitablement à la désillusion.

 
Nature de l’ouvrage : roman.

Synopsis : Emma Rouault, fille de paysans relativement aisés, élevée au couvent, épouse Charles Bovary, un brave médecin de campagne, très amoureux d’elle, et n’aspirant qu’à une vie simple et rangée.
 
Au départ plutôt enthousiaste à l’idée de ce mariage, Emma découvre peu à peu la médiocrité, selon elle, de son mari, tant dans le domaine médical que dans la vie quotidienne. Cette vision négative et quelque peu erronée de la réalité est amplifiée par les lectures à l’eau de rose d’Emma, qui ne reconnaît en Charles aucune des qualités masculines et romanesques des héros des romans qu’elle dévore avidement.
 
Loin de l’image qu’elle se fait d’un homme et de la passion amoureuse, Charles n’en devient que plus insupportable à ses yeux. Pensant être en train de gâcher sa vie, menant une existence monotone et routinière que la naissance de sa fille ne parvient pas à enjoliver, Emma ne rêve que de bals (dont l’obsession est inspirée par son séjour au château de la Vaubyessard), de sentiments exacerbés, de passion, de luxe et d’argent.
 
Victime de ce que l’on pourrait appeler le « mythe du Prince Charmant », elle se lance dans une course effrénée au bonheur en se jetant successivement dans les bras de deux soupirants dont, croit-elle, l’image correspond au portrait de l’homme parfait. Néanmoins, tour à tour lassés et effrayés de ses discours emphatiques et ses incessantes demandes de preuves d’amour, ces derniers la laissent tomber. Désillusionnée, incapable de rentrer dans le moule des femmes de son époque, Emma se suicide en consommant de l’arsenic, laissant Charles inconsolable.
 
Mon avis  ♥♥♥ : à sa parution en 1856, le livre fait scandale. Considérée comme une atteinte aux bonnes mœurs, l’œuvre de Flaubert, ainsi que son auteur, font l’objet d’un procès. Pourquoi une telle polémique ?
 
Il faut remettre les choses dans le contexte du XIXème siècle. En effet, le livre traite de l’adultère et remet en question le statut de la femme et la vision du couple. Au XIXème siècle, la femme, celle de la bourgeoisie surtout, n’a jamais été aussi enfermée dans le monde domestique et sous contrôle masculin. Eternelle mineure, elle dépend d’abord de son père, puis de son époux. En effet, dès le début du siècle, le code napoléonien a restreint encore plus le peu de liberté que la femme détenait auparavant : elle ne possède aucuns droits civils et politiques. Elle est sous totale tutelle de l’époux pour les actes les plus banals de la vie quotidienne, comme trouver un travail ou ouvrir un compte. En 1816, le divorce, acquis de la Révolution, est interdit.
 
La moralité atteint aussi son paroxysme : l’Eglise, dont l’influence avait quelque peu diminué depuis la Révolution Française, revient sur le devant de la scène. Elle institue à nouveau la famille et la religion comme sphères fondamentales de la société. Le célibat et le couple illégitime (adultère ou concubinage), considérés comme des « unions » à but uniquement charnel, sont largement condamnés : la femme est là pour enfanter dans le mariage légal au sein duquel elle ne doit tirer aucun plaisir physique, s’occuper de la maison, de l’éducation des enfants et des œuvres de charité. Là s’arrête son rôle.
 
Or, Madame Bovary remet en cause ce système. Tout d’abord, il traite en majeure partie de l’adultère, acte ô combien réprimé par la loi et la société, et par conséquent remet en question l’institution du mariage. Mais surtout, il est l’image d’une femme qui, incapable de se limiter à la sphère domestique et familiale et d’entrer dans ce moule rigoureux qu’est la morale bourgeoise, étouffe et s’ennuie, et tente de chercher un peu de piment à son existence. Cette recherche effrénée du bonheur ne peut conduire qu’à sa perte puisque ses amants, hommes du XIXème siècle conscients de la pression sociale exercée sur eux, l’abandonnent, mais aussi parce qu’une fois la sphère publique au courant de l’adultère d’une femme respectable, celle-ci est, indubitablement, socialement perdue et stigmatisée.
 
Madame Bovary, Emma ou la volonté de combattre les préjugés sociaux et de revendiquer sa part d’individualité. A lire ou relire, ce n’est absolument pas démodé !


2 commentaires:

  1. C'est un roman qu'il faudrait que je relise, c'est indéniable !
    Bonne journée.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai pris beaucoup de plaisir à le relire, j'avais gardé en tête l'idée d'un lourd "classique-qu'on-te-force-à-lire-au-lycée", mais j'ai adoré. Le regard adulte, peut-être ?

      Supprimer